Affaire Valieva : victoire ou naufrage du patinage féminin russe ?

Par Anne Bourdalé et Albane Soreau

Kamila Valieva (ROC) en programme court aux Jeux Olympiques de Pékin (février 2022)

Le mardi 15 février 2022 aux alentours de 11h (heure française), a eu lieu l’épreuve du programme court[1] en catégorie féminine de patinage artistique des Jeux Olympiques de Pékin. Elle fut suivie de près par le Programme Libre[2] de la même catégorie le jeudi 17 février.  C’est peu de l’écrire : l’atmosphère était étouffante. Avant même de débuter, l’événement traînait derrière lui un boulet de taille internationale : les accusations de dopage à la trimétazidine de Kamila Valieva, favorite au podium, représentant la Russie[3] et âgée d’à peine 15 ans, après sa performance éclatante aux épreuves par équipes de la semaine précédente.

La nouvelle a soulevé une vague de réactions des quatre coins du monde, de certains médias américains qui ne se sont pas privés d’accuser la Russie entière de renier l’esprit olympique, aux athlètes iconiques du domaine comme Kim Yun-a (Corée du Sud) ou Adam Rippon (USA). Vague devenue raz-de-marée : ce lundi 14 février et malgré examen du dossier, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) annonce que la patineuse sera tout de même autorisée à concourir aux épreuves individuelles. Une décision pour le moins contre-intuitive lorsque l’on sait l’importance prise par la lutte anti-dopage dans le sport depuis quelques années.

Derrière cette explosion médiatique aux échos internationaux, se cachent des ramifications plurielles et multiscalaires qui ne font que complexifier ce que les médias appellent L’affaire Valieva. Les enjeux sont personnels pour Kamila Valieva, étoile montante qualifiée de prodige du patinage artistique, qui à 15 ans pourrait voir sa carrière senior jetée aux roses. Enjeux éthiques quand on mentionne la « méthode Tutbertidze », au nom de l’entraineuse Russe dont le système de production de champions est aussi impressionnant que controversé. Enjeux internationaux – mineurs mais présents – quand sont réanimés des binarismes que l’on croyait abandonnés (petit signe de la main aux médias américains qui prennent la situation pour une énième insulte de la Russie à l’égard de l’olympisme). Enfin, enjeux sportifs : le paysage du patinage artistique – chez les femmes et en général – est inévitablement transformé depuis une dizaine d’années. Les déboires actuels ne font que dévoiler des débats bien plus larges qui mettent en jeu la crédibilité du sport olympique, du sport en tant que tel, et exposent la question en toile de fond de toute cette fresque médiatico-sportive : qu’est-ce qui fait un champion ?

Nous défendons l’idée que l’affaire Valieva n’a rien d’anodin, mais qu’elle est surtout le creuset de tensions internes dues à d’importantes mutations du milieu, qui ne demandaient qu’à éclater.

Bref résumé de l’affaire Valieva : que s’est-il passé ?

Résumons l’affaire point par point. Avant le départ à Pékin : les championnats russes (26-28 novembre 2021).

Ouverture des JO et épreuves par équipes[4]. Après une saison éclatante couronnée par la coupe de Russie, la révélation Kamila Valieva mène la danse libre et le programme court. Aux yeux de la Russie comme du reste du monde, le nouveau poulain d’Eteri Tutberidze est grand favori à l’or olympique.

Programme Libre sur le Boléro (Ravel) de Kamila Valieva

Le communiqué. A quelques jours des épreuves individuelles, annonce-choc : l’ITA (agence antidopage) dénonce l’ingestion de trimétazidine par Valieva. Ce médicament, prohibé, sert à soigner les angines et a notamment pour effet de fluidifier la circulation du sang. Tollé général, le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) est convoqué.

Etude du dossier. Après un premier passage devant le TAS, Valieva et le ROC (Russian Olympic Committee) font appel. Leurs deux défenses : une ingestion de la substance par accident (l’excuse donnée est que le grand-père de Valieva est sous traitement de trimétazidine) et le statut d’individu protégé par la réglementation de l’AMA (Agence Mondiale Antidopage) de Valieva, qui n’a que 15 ans.

Le scandale prend de l’ampleur. Au nom du fait que Valieva est mineure, que son test positif du 25 décembre 2021 a tardé à être communiqué, et que les vérifications ne sont pas encore faites, le TAS autorise sa participation aux épreuves individuelles. Si sa performance lui donne une médaille, il n’y aura pas de podium. Conséquences : on suspend la remise des médailles de l’épreuve par équipe et des voix s’élèvent pour commenter – voire condamner – la décision pour le moins questionnable du TAS.

Épreuves individuelles, programme court. Au sein d’une ambiance écrasante, les athlètes se succèdent. Higuchi Wakaba (Japon) est sous-notée. Sakamoto Kaori (Japon) au bord de la crise de nerfs. Entrée du trio russe : un beau programme proche de la perfection, pour Anna Shcherbakova qui confirme son mental d’acier après une saison en dents de scie. Une prestation puissante quoiqu’un peu fautive de celle que les médias surnomment “la reine des quads[5]” Alexandra Trusova. Vient Valieva : qu’il s’agisse de l’atmosphère étouffante en coulisses, de l’audience, de la tourmente médiatique, peu importe. Sa performance est largement en-dessous de sa moyenne. Elle se hisse tout de même à la première place avec un score de 82.16 points malgré une main au sol et un déséquilibre qui infuse tout son programme. Elle quitte la glace les larmes aux yeux et l’air profondément abattu.

L’avant-dernier clou au cercueil. Deux autres substances, elles autorisées, sont trouvées dans l’échantillon de Valieva. La défense de l’ingestion accidentelle en prend un coup, la crédibilité du ROC aussi. Pour Valieva et l’ensemble des patineuses, le cauchemar ne fait que continuer.

Programme libre et coup de théâtre. Sakamoto présente une performance remarquable qui la hisse à la médaille de bronze.

Sakamoto Kaori (Japon) effectue son programme libre sur la glace de Pékin

Trusova offre du grand spectacle avec un total de cinq quadruples sauts dans un programme presque parfait. Mais c’est Shcherbakova qui rafle l’or : le combiné du Court et de sa présentation sans faute au Libre l’installe sur la première place du podium. Pour Valieva, c’est la chute aussi littérale que figurative : elle accumule au moins trois déséquilibres, une main au sol, tombe deux fois, sombre à la quatrième place, craque et fond en larmes sur la glace sans sembler pouvoir s’arrêter. Le spectacle en coulisses est glaçant. Shcherbakova, championne olympique mais seule sur son siège, à peine félicitée. Trusova craque à son tour face à la déception de l’argent alors qu’elle rêvait de l’or[6]. Valieva, poursuivie par les caméras et courbée par les sanglots. Sa coach Eteri Tutbridze lui glisse l’entrée du kiss and cry[7] ces paroles abruptes : « Pourquoi as-tu cessé de te battre ? Dis-moi, pourquoi as-tu abandonné ? »

Le rideau se baisse sur un podium triste. Shcherbakova au sourire timide, Sakamoto radieuse, Trusova le maquillage en désordre sur son visage dévasté. Dans les coulisses, Valieva laissée à elle-même, son rêve olympique en ruines.


Cette affaire de dopage n’est pas la première infraction dont le ROC est accusé : en fait, c’est un cas de dopage institutionnel datant de 2015[8] qui force la Russie à participer aux JO 2022 sous la bannière ROC, le pays étant banni des compétitions internationales depuis Sotchi. Comment alors, avec cet historique, Valieva a-t-elle pu concourir malgré tout ?

Anna Scherbakova (ROC) après sa victoire aux Jeux Olympiques

Petit panorama du patinage artistique contemporain : quelles conséquences sur la catégorie féminine ?

Il existe quatre catégories : en individuel, homme et femmes. En duo, l’épreuve par couples ou paires et la danse sur glace.

Couples/paires. Dans ce type d’épreuve, les performances sont souvent spectaculaires et enchaînent portés et figures acrobatiques. Outre la technique et la couleur artistique, on note la synchronisation du duo et la propreté des figures. Le paysage du patinage en couple est actuellement dominé par l’école chinoise (Sui Wenjing et Han Cong sont champions olympiques) et l’école russe (à la deuxième et troisième marche du podium : le couple Tarasova/Mozorov et Mishina/Galliamov).

PC de Han/Sui à Pékin 2022

Danse sur glace. Au sein du patinage artistique, la danse sur glace possède une place particulière. Un couple mixte effectue des figures à longue tenue plutôt que des sauts. On note la synchronisation, la proximité des patineurs et les enchaînements de séquences de pas. A ce jour, la domination française de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron est indéniable et assez peu mise en jeu. Cependant, c’est l’école canadienne et non l’école française qui est la véritable gagnante, Papadakis et Cizeron étant formés par Romain Haguenauer et Marie-France Dubreuil, de l’Académie de Glace de Montréal.

PL de Papadakis/Cizeron aux Mondiaux de Saitama

Hommes. On note actuellement chez les hommes une belle évolution de l’espace compétitif via l’émulation entre les fortes têtes de cette catégorie. Plusieurs écoles luttent pour le podium : l’école américaine avec comme figure de proue le champion olympique en titre Nathan Chen. L’école japonaise se défend avec trois champions (Hanyu Yuzuru, Uno Shoma, Kagiyama Yuma) brandissant certes la même bannière, mais sous l’aile de trois entraîneurs différents. Hanyu, double champion olympique et légende du patinage, est formé par Brian Orser et l’école canadienne. Kagiyama, le vice-champion olympique en titre, a fait son entrée fracassante chez les seniors avec son entraîneur de père Kagiyama Masasaku. Le double médaillé olympique Uno Shoma est quant à lui entraîné par une école suisse en pleine ascension en la personne du coach Stéphane Lambiel. On notera aussi un retour sud-coréen avec Cha Junhwan, lui aussi élève de Brian Orser.

PL de Chen à Pékin 2022

Alors que se passe-t-il chez les femmes ? Pour reprendre les propos du patineur américain Adam Rippon à ce sujet : show me the women.

Recul dans le temps : histoire du sport russe.

– Remontons à bien avant nos affaires de dopage actuelles. En fait, remontons à l’URSS qui créa le modèle du champion russe tel qu’il existe encore aujourd’hui. Un premier tournant se situe en 1928 avec la spartakiade de Moscou : un rassemblement sportif de masse, orchestré par les régimes communistes en opposition aux Jeux Olympiques. D’ores et déjà, le sport sert de déclaration politique pour le pouvoir en place. Il s’agissait de s’opposer aux manifestations sportives dominantes par une prestation alternative. Sur le plan athlétique, les spartakiades sont un succès qui contribue à vendre l’image du sportif soviétique. Début d’une quête pour une suprématie internationale par la victoire à tout prix.

– Le régime soviétique a toujours joué sur le culte du physique sportif. Cette représentation d’un idéal national est marquée jusque dans l’expression artistique de l’époque. A titre d’exemple, la célèbre statue de l’Ouvrier et la Kolkhozienne (1937). On y observe la mise en valeur d’un corps qui n’est pas sans rappeler l’olympien originel de la Grèce antique, mis en perspective dans le “rêve prolétaire” de travailleurs robustes et en pleine santé qui sont les bannières de leur régime. L’imaginaire de l’athlète est le fruit d’un travail de propagande sportive que le chercheur Sylvain Dufraisse place autour de 1934. Une propagande sur tous les fronts : on promeut l’hygiène de vie idéal, on fait des défilés sportifs des rendez-vous populaires annuels qui fédèrent les peuples, bref : le sport devient une évidence nationale.

L’ouvrier et la kolkhozienne telle que représentée à l’exposition universelle de Paris (1937)

– 1952 : percée russe à l’internationale avec l’entrée du bloc soviétique aux Jeux Olympiques de Helsinki. L’URSS s’impose comme leader sportif avec un record de 22 médailles. Par cette entrée fracassante dans le réseau mondial, l’URSS gagne une reconnaissance qu’elle doit à présent garder. C’est ce qui renforce la mise en place d’une machine d’État pour encadrer la production de champions : Tamara Kondratieva parle de “régime sportif” pour définir la condition de l’athlète russe telle qu’elle se crée à partir des années 1960. Le sportif est fermement encadré, en échange d’avantages matériels et économiques. L’objectif est d’optimiser le champion pour en faire un chasseur de médaille, une méthode aux échos encore très actuels.

Avec ce tournant, une administration d’Etat se met en place. L’athlète soviétique incarne l’élite sportive que promeut le régime : le champion devient modèle national, puisque l’enjeu reste autant de fédérer les peuples que de briller sur la scène mondiale.

– Car la guerre froide se gagne aussi par le sport. Et les années 1960 avec comme sommet les Jeux Olympiques de Tokyo (1964) sont le moyen de tester l’efficacité de toute cette machine. Les jeux rassemblent 93 pays et un total de 5 151 athlètes dans 19 sports. Encore une fois, l’URSS se place 2e au classement de l’or avec 30 champions olympiques, et première au classement total des médailles avec 96 médaillés. On note en parallèle qu’aux Jeux Olympiques d’Hiver de 1960 à Squaw Valley (Californie), l’URSS est première dans les deux classements (7 or, 21 médailles).

Avec ces résultats, l’URSS s’impose comme pionnier et à présent leader de la performance athlétique, ce qui légitimise en parallèle son système d’administration sportive.

Voyons maintenant où nous en sommes aujourd’hui.


Zoom sur le patinage artistique féminin : la sur-domination contemporaine de l’école Russe.

JO de Sotchi, 2014. Le monde entier a les yeux rivés sur un petit prodige du patinage, coaché par l’encore relativement inconnue Eteri Tutberidze : l’envoûtante Ioulia Lipnitskaïa. A à peine 15 ans, sa qualité de glisse est exceptionnelle, sa vitesse de rotation laisse ses adversaires dans la poussière et la délicatesse de son interprétation prend à la gorge.

(Cela ne vous rappelle rien, soit-dit en passant ?)

Sous les yeux ébahis de son public, elle offre à l’histoire olympique un véritable bijou : un programme au son de La liste de Schindler (John Williams) d’une pureté technique hors-normes et d’une beauté stupéfiante. Sans surprise, Lipnitskaïa aide la Russie à rafler l’or en épreuve par équipe et se classe 5e aux individuels. Quant au patinage artistique féminin, il ignore encore la mutation profonde qu’il est en train de subir.

Lipnitskaïa à Sotchi (2014)

Le parcours miracle de Lipnitskaïa ne se poursuit pas : la jeune championne quitte rapidement le sport, rongée par les blessures et les troubles alimentaires. En revanche, il est voué à se répéter : entrent celles que les médias anglophones appellent les « Eteri Girls ».

Pyeongchang, 2018 : la claque. L’Ecole Russe débarque avec encore une fois en tête de mordre dans la médaille. La favorite ? La lumineuse Evgenia Medvedeva et ses programmes passionnés. A 17 ans, elle est la protégée de l’à-présent célèbre Eteri Tutberidze. Mais Zhenya (surnom d’Evgenia Medvedeva) n’est pas seule dans la course olympique : à ses côtés et en face d’elle se dresse Alina Zagitova, 17 ans elle aussi, elle aussi fille d’Eteri. Si Medvedeva est lumineuse, Zagitova est explosive. Elle se jette sur la glace comme sur des ressorts et accomplit des performances d’un athlétisme devant lequel on ne peut que s’incliner.

La bataille finale se tient sur les programmes libres et se joue à 1.31 points d’écarts. Medvedeva danse un spectacle sensible et incarné sur la bande-son d’Anna Karenina (Dario Marianelli), sans doute l’une de ses plus belles performances. Zagitova, quant à elle, bondit – littéralement et figurativement – en enchainant le nombre étourdissant de onze sauts à partir des 2.30 minutes de son programme sur Don Quixote (Leon Minkus). Au final, c’est ce qui fait la différence : l’or va à Zagitova, l’argent à Medvedeva.

Une victoire-éclair aussi éblouissante qu’éphémère : Zagitova disparaît petit à petit des écrans. Medvedeva, quant à elle, rompt avec sa coach pour rejoindre Brian Orser au Canada, puis se voit contrainte de se retirer pour un temps à causes de blessures importantes notamment au pied et au dos.

Vient Beijing 2022 et son armée de filles d’Eteri. Avant même le début des festivités, les dés semblent jetés : le podium leur appartient. La Russie a l’embarras du choix en termes de représentatrices : Alena Kostornaïa et sa puissance de sauts hors-normes, Anna Shcherbakova et son perfectionnisme seulement rivalisé par son mental d’acier ? L’intense Alexandra Trusova, dite “reine des quads” et son immense présence sur la glace, ou bien la nouvellement passée senior Kamila Valieva aux programmes aussi touchants qu’impeccables ?

Au final, c’est Kostornaïa qui reste sur la touche. La suite, vous la connaissez.


Maintenant, prenons un instant pour observer la situation présente. Remarquez-vous la même chose que nous ?

– Avec l’arrivée de Lipnitskaïa, c’est le début de l’âge d’or féminin des sauts et surtout des quadruples, dits quads.

–  En parallèle, l’âge des championnes russes semble de plus en plus régressif : elles ont entre 15 et 18 ans, sont plus petites, plus légères, plus flexibles.

–  La domination au sein de l’école Russe de Sambo 70, l’académie de d’Eteri Tutberidze.

– La fulgurance des carrières, au point qu’on en glousse un peu : on parle de « date d’expiration d’Eteri« [9] dans le milieu, une périphrase charmante pour désigner l’âge auquel les championnes disparaissent des radars du patinage pour laisser la place à une fillette plus jeune et plus malléable. Cet âge se situe aux environs de 18 ans.

Que se passe-t-il alors chez les femmes ? La réponse est : rien, car les femmes s’effacent. Le podium est dominé par des jeunes filles – et il est intéressant de noter que c’est le choix que fait le commentateur d’eurosport-France, Alban Préaubert, pour désigner la compétition de Pékin 2022 : il parle de demoiselles, parfois de jeunes filles. Pas de femmes ni de dames, alors que c’est l’intitulé-même de leur épreuve.

Alexandra Trusova (ROC) en programme court à Pékin

Le mécanisme est simple : les sportives russes sont scrutées et prises en charge par Tutberidze dès leurs débuts dans compétition junior. Leur jeunesse leur donne trois atouts primordiaux : la légèreté, la souplesse physique et la flexibilité mentale. A partir de ces trois critères, est sculptée la nouvelle championne : elle s’envole sur la glace, pousse son corps à des performances éblouissantes et ne questionne pas le paradigme athlétique dans lequel elle a toujours grandi. Parallèlement, la technicité est parfois questionnable[10] tandis l’ADN artistique de la performance diminue : rien de plus normal étant donné que cette dimension du sport grandit souvent avec le temps et que celui-ci est restreint par le format actuel de la championne russe.

En conséquence, le quadruple saut étant le saut le mieux noté avec le triple axel (un saut à 3,5 rotations en l’air), il devient la norme russe (lire : la norme Eteri) et gonfle la note technique d’une sportive qui le produit[11]. La Russie étant un leader en patinage artistique, l’entrée du quad dans les notations de ses championnes marque une rupture dans le champ compétitif international : en face, les championnes plus âgées peinent à exécuter ce saut devenu normatif pour prétendre à une note de podium.

PL de Shcherbakova, l’actuelle championne olympique, à Pékin

Conclusion : un court-circuit Russe – et adolescent – de la compétition féminine. Avec la sur-domination de l’école Tutberidze, la diversité des patinages s’évapore au profit d’un unilatéralisme sportif.

En parallèle, on reproche au ROC de tremper dans des affaires de fraude sportive, via la surnotation des championnes Russes en compétitions internationales. Plus précisément : est reproché à l’ISU (International Skating Union) de faire preuve d’un peu trop d’indulgence vis-à-vis du détail technique des filles d’Eteri (pré-rotations un peu trop longues, départs de sauts), sans en faire autant pour les athlètes non-russes. Récemment, on a pu observer ce phénomène aux Internationaux de France (Grenoble, novembre 2021) avec la différence de traitement entre Scherbakova, Kostornaïa, toutes deux tombées en réception de saut, et Higuchi notée loin derrière elles malgré une performance impeccable avec triple axel. La coïncidence semble un peu trop belle.


L’idéal sportif à échelle d’Etat que l’histoire russe a érigé provoque aujourd’hui encore un paradoxe du champion : la domination de ce modèle national se fait parfois au prix de sa propre subversion. On l’observe précisément avec l’affaire Valieva : au nom d’une façade de la performance qu’il faut maintenir à tout prix, une athlète de 15 ans à la durée de vie sportive déjà réduite se retrouve dopée et malgré tout autorisée à concourir pour ne pas freiner la frénésie du résultat.

Valieva n’est qu’un rouage à taille humaine dans une machine politique nourrie par une culture du sport elle-même montée en paradigme. Le dopage d’Etat de 2014 le prouve également. Et au cœur de cette machine, la promotion d’une autodestruction du corps d’athlète au prix de l’idéal du champion n’est que l’un de multiples moteurs qui contribuent à maintenir ce modèle comme d’actualité : passons au cas Eteri Tutberidze.

Eteri Tutberidze et la guerre des coachs : être ou ne pas être (un champion)

Portrait d’Eteri Tutberidze, l’entraineuse russe qui règne sur le patinage féminin.
Brian Orser, l’entraineur canadien qui domine le patinage masculin, en compagnie de son élève le double-champion olympique Hanyu Yuzuru (Japon)

Au-delà de l’histoire sportive russe et de l’aspect individuel du patinage artistique, il faut nous intéresser à l’influence indéniable, parfois écrasante de la figure de l’entraîneur. Car si le patinage artistique est l’une des expressions de l’aspect politique du sport à échelle nationale russe, il s’agit aussi d’un très intéressant game of coachs qui au-delà de la simple bataille d’ego, dit quelque chose des philosophies actuelles du sport et de l’avenir de celui-ci.

Parlons enfin d’Eteri Tutberidze et de la décennie de domination de son “usine à champions”. Tutberdize fait débat. On admire d’un côté les résultats indéniables qu’elle produit, engrangeant encore et encore des médaillés mondiaux et olympiques. De l’autre, on questionne sa méthode. Ose-t-on parler de maltraitance ? Le terme est murmuré du bout des lèvres par les médias, crié parfois haut et fort par les internautes.

Cette méthode Tutberidze, nous l’avons décrite plus tôt : de jeunes patineuses, des quads en pagaille, une date d’expiration mais des médailles. Dans le principe, il n’y a rien de nouveau. On retrouve ce type de mentalité de fer dans l’héritage soviétique de nombreux sports – souvent féminins, notons-le quand même : la Gymnastique Rythmique, la danse classique pour n’en citer que deux.

Dans les faits, petite anatomie de la prouesse à la Tutberidze. Que retient-on de ses championnes?

1) Le corps à bout. Nous parlons de jeunes filles encore dans l’enfance, poussées au bout de leurs capacités. La blessure est la norme chez les filles d’Eteri : Lipnitskaïa se fracture la hanche, Medvedeva le pied. Mais il faut savoir endurer : Medvedeva témoigne dans une interview à Sotchi en 2021 s’être poussée en entraînement jusqu’à en hurler de douleur[12]. Quand ce ne sont pas les blessures, ce sont les troubles alimentaires : Lipnitskaïa était en lutte constante contre l’anorexie et raconte en 2016 dans une interview SportExpress avoir eu l’impression de grossir « rien qu’en respirant de l’air ». Medvedeva précise dans son interview à Sotchi qu’elle était prise de pulsions de binge eating (épisodes incontrôlés de prise d’aliments en grande quantité). S’étonne-t-on que, dans une telle atmosphère, une enfant de 15 ans ait pu être poussée à se doper?

2) Des carrières fulgurantes. La médaille est certes dans la main, mais pour une durée maximale de 3 ans. Après, la championne disparaît, soit par épuisement, soit tout simplement parce que le corps lâche. La liste est longue comme le bras : Medvedeva annonce faire une pause à 22 ans après une carrière sans cesse interrompue depuis 2018, Lipnitskaïa abandonne le patinage artistique à 19 ans, Zagitova s’évapore en 2019, à 18 ans.

3) Derrière tout cela, la sévérité sans nom que Tutberidze assume. Elle enchaîne les révélations glaçantes dans une interview de décembre 2021 : elle déclare avoir arrangé la séparation de Zagitova avec sa mère pendant plusieurs mois sous prétexte qu’elle « redevenait une fille à maman qui ne voulait plus passer 12h [9h-21h] sur la glace parce que Maman était là. » Elle reconnait faire peser ses athlètes tous les jours car selon elle, « les sous-rotations [ndlr : une erreur d’atterrissage après un saut, où l’athlète achève ses rotations aériennes au sol] sont causées par le poids […] mais pas à cause d’une énorme charge de travail. »

4) Cette sévérité est motivée par l’obsession du résultat de Tutberidze, qui revient régulièrement sur cette question au cours des interviews et va jusqu’à déclarer : « on m’aimera et on se souviendra de moi tant que je donnerai des résultats. » Le résultat est important, le résultat est tout : voilà la méthode Tutberidze. Voilà l’idéal du champion : vainqueur à tout prix, même le sien propre.

Mais pour qui ? Ce qu’on note de cette dernière sentence d’Eteri, c’est que celle qui en est au cœur, c’est elle-même.


Est-ce alors tout ce qui fait un champion ? Face à l’Eteri philosophy, intéressons-nous à d’autres figures d’entraîneurs, porteurs de valeurs sportives alternatives.

En termes d’influence, c’est le coach canadien Brian Orser qui s’impose et s’oppose à Tutberidze. Très présent dans la compétition masculine avec Hanyu Yuzuru (Japon) et Cha Jun-Hwan (Corée du Sud), ayant lui aussi formé Evgenia Medvedeva, la position d’Orser sur le patinage est à l’inverse radicale de celle d’Eteri : pour lui, il s’agit de durer. Un champion doit être capable de se construire une carrière sportive. Deux avantages à cela : pour les athlètes d’abord, cette durabilité est saine car elle leur donne les moyens de gagner leur vie et de se faire une place dans le milieu. Pour le sport ensuite, en résultent des performances qui gagnent en technicité mais aussi en identité artistique. La maturité, défend Orser, doit être mise en avant dans la compétition de haut niveau. Chez les hommes, l’âge moyen des compétiteurs est autour de 22 ans. Hanyu, âgé de 27 ans, est considéré comme la légende du milieu et n’a sans doute pas dit son dernier mot au patinage de compétition. Le benjamin des athlètes – et accessoirement médaillé d’argent aux Jeux Olympiques de Sotchi – est Kagiyama Yuma. A 18 ans, il vient de commencer sa carrière senior : un contraste violent avec les filles d’Eteri qui finissent la leur à 18 ans. Chez les femmes, la maturité n’est pas une fatalité comme la configuration actuelle voudrait le faire croire: nous pouvons citer le cas de Carolina Kostner (Italie), toujours en carrière bien qu’âgée de 35 ans, championne du monde en 2012 et médaillée de bronze à Pyeongchang 2018.


Orser vs Tutberdize incarnent deux philosophies du sport mises en débat, ces philosophies ayant des répercussions directes dans leur application et dans la fabrique des champions. Ce qui explique la grande différence entre la compétition féminine et la compétition masculine ; et polarise deux perceptions de l’athlète : l’un de carrière, l’autre de performance.

Mais l’école russe ne pense pas la carrière car l’administration étatique des sportifs de haut niveau implique une prise en charge totale de leurs frais de logement et d’éducation (ce que Tutberidze a notamment confirmé). Un athlète russe qui gagne une compétition est pensionné et sponsorisé à vie par l’Etat. Aujourd’hui, donc, un athlète donnant des résultats sur un temps limité gagne mieux sa vie que celui qui se construit une carrière longue et régulière. La maturation sportive est coupée court : en découlent des conséquences éthiques (la santé mentale dans le milieu sportif est un autre sujet qui mérite son article) et esthétique (une notation artistique très subjective pour une notation technique à la tête du client) qui dégradent le paysage du patinage artistique féminin.

Cela rend la chute de Valieva d’autant plus douloureuse : à 15 ans, elle possédait déjà cette maturité sensible qui manque précisément aux athlètes russes, et lui faisait exécuter son programme jusque dans les os (voir son interprétation époustouflante du programme court à la coupe de Russie, sur la musique de In memoriam, un titre a fortiori presque ironique).

PC de Valieva au championnat de Russie (novembre 2021)

Dernière et première question : qui sont les victimes ?

            Kamila Valieva. A 15 ans, Valieva a vu son rêve olympique virer au cauchemar. Valieva était la personne le plus sous le feu des projecteurs dans toute l’affaire. Le traumatisme qui en découle ne doit pas être moindre. Pourtant, quid des adultes de son entourage ? Faut-il vraiment rappeler le fait que Valieva est âgée de 15 ans ? Légalement elle est encore enfant, et socialement, elle a l’âge d’entrer au lycée. Qu’elle porte seule le fardeau d’un manquement qui est celui de son entourage d’adultes est honteux.

            Les athlètes elles-mêmes. Il suffit de voir l’ambiance écrasante au sortir du programme court. Sakamoto fond en larmes à la fin de sa performance, sans doute consciente du fait que malgré la perfection de son score, elle sera toujours au pied d’un podium monopolisé par les russes. Higuchi est déclassée (un score « étonnant » selon les commentateurs d’Eurosport-France) à 73.51 points malgré un programme presque sans-fautes et la propreté de son triple axel. Les patineuses « femmes » qui sont âgées de plus de 17 ans ne possèdent ni la légèreté, ni la souplesse physique que les filles d’Eteri doivent entretenir au prix de leur propre corps. Leur chance au podium semble donc automatiquement vouée à l’échec. Au podium de Pékin 2022, Sakamoto aura pallié son manque de légèreté – que Valieva, Trusova, Scherbakova possèdent du fait de leur jeune âge et des règles d’alimentation draconiennes de la méthode Tutberidze – avec une belle puissance de saut. Quant aux athlètes russes, nous l’avons déjà dit : leur temps est compté.

PL de Sakamoto à Pékin 2022

            Le milieu lui-même. L’ultra-capitalisme de la médaille ruine l’aspect artistique du sport, effondre la compétition, et tout cela n’a fait qu’éclater dans l’espace-temps particulier des Jeux Olympiques. De plus, autoriser une patineuse à concourir sous substance, c’est nier plusieurs dimensions primordiales de l’athlétisme : l’égalité des chances, l’effort physique, le fair-play. En parallèle, Valieva reste acclamée sur la glace, revient en Russie où elle est majoritairement accueillie en martyr, gagne plus de 600 000 abonnés son compte Instagram en l’espace de quelques jours.

            Si doper une sportive russe en se servant de son jeune âge comme critère d’indulgence n’est puni que d’un petit coup sur les doigts et de l’autorisation de participer malgré tout, qu’est-ce qui est dit de la crédibilité du sport olympique, et du sport en général ?

Conclusion

            Face au cas Valieva, les réactions furent nombreuses. Des sportifs et sportives, nous noterons la déclaration sobre mais ferme de Kim Yun-a sur Instagram : “Tout(e) athlète qui enfreint les règles de dopage ne peut participer à la compétition.”[13] Plus virulent, Adam Rippon dénonce les “sales tricheurs que nous honorons.”[14] Notons aussi que la prise de parole alternative (Youtube, réseaux sociaux) est celle qui a osé s’exprimer le plus haut et fort. Dans les circuits médiatiques officiels, les commentaires restent pour le moins frileux : au mieux on se tait à l’entrée de Valieva (Corée du Sud), au pire on ignore le problème en ne le mentionnant même pas (coucou France TV).

            De tout ce désastre, le sport international en ressort comme un espace très complexe. L’identité contemporaine du patinage artistique se construit par un grand nombre de figures emblématiques, chacune apportant une pierre de plus à l’édifice de la philosophie du champion telle qu’elle est en train de se dessiner. Au milieu de ce panorama, le cas de la Russie reste très particulier, et par cela propice aux écarts que nous avons pu voir sur nos écrans il y a quelques semaines.

            Pourtant, la question était nécessaire à poser : qu’est-ce qui fait un champion ? Est-ce une fulgurance à n’importe quel prix tant que le résultat est présent et impressionnant, ou est-ce une pratique à haut niveau certes, mais porteuse de certaines valeurs ? Notre position à ce sujet est claire, nous prônons la seconde. Et à l’ère actuelle des réseaux sociaux, c’est aussi le public qui répond à cette question en prenant conscience de ce que signifie l’idée de performance : un succès à tout prix, une façade ? Ou bien un long travail dont la réussite n’est que le fruit ? Que voulons-nous que soit le sport de haut niveau par rapport à ce qu’il est aujourd’hui ?

            Finissons simplement sur un retour à cette nuance entre l’absence non pas de compétition, mais de compétitivité. En sport comme dans n’importe quel milieu, l’uniformisation radicale des pratiques induite par la sur-domination d’un seul type d’acteurs (ici le ROC, en la personne de Tutberidze) ne peut qu’appauvrir le champ immense de possibilités qu’un sport aussi large que le patinage artistique pourrait offrir. Il suffit de jeter un coup d’œil à la compétition masculine, qui semble actuellement à son sommet, pour voir les merveilles que la diversité et l’individualité donnent au patinage : le dynamisme de Nathan Chen (USA) qui met le feu aux patins, la puissance encore brute mais soignée de l’étoile montante Kagiyama Yuma (Japon), la férocité discrète et ciselée de Uno Shoma (Japon), la féérie hypnotique que Hanyu Yuzuru (Japon) ne manque jamais d’offrir, la consistance de Cha Jun-Hwan (Corée du Sud), l’effervescence sur glace qu’est Jason Brown (USA), la sensibilité mutique de Daniel Grassl (Italie), sans oublier les performances captivantes d’Evgeni Semenenko (ROC), Boyang Jin (Chine), Morisi Kvitelashvili (Georgie), Keegan Messing (Canada) et de notre Kevin Aymoz national au penchant pour le dramatique qui se place 12e à Pékin. Étrangement, aucun des leaders du patinage masculin n’est un enfant d’Eteri. Coïncidence ? We think not.

            Les choses pourraient cependant changer. L’âge minimal d’entrée en compétition senior devrait, selon communiqué de l’ISU, passer à 17 ans. Avec la diversification des figures d’entraîneurs russes (Mishin et Plushenko pour n’en citer que deux), est-ce la méthode qui évolue? Prenons-nous à espérer. En attendant, les répercussions diplomatiques de la situation ukrainienne confirment que le sport russe est un outil tout aussi politique que social et économique : pour court-circuiter Vladimir Poutine, on frappe là où ça fait mal. Les athlètes du ROC ne seront donc pas conviés aux championnats du monde de patinage artistique (21-27 mars, Montpellier). Conséquence pour l’épreuve féminine ? Le podium est vide, tout peut arriver.

Le podium féminin de Pékin 2022. De gauche à droite : Trusova (argent), Scherbakova (or), Sakamoto (bronze).

Lexique du jargon du patineur

Programme court (PC), Programme libre (PL) : Une compétition standard se divise en deux temps : un programme court et un programme libre. Le premier est une chorégraphie d’environ 2,30min, centrée sur l’aspect technique : chaque athlète doit aligner un total de 8 éléments donnés au préalable. Le programme libre est quant à lui plus original dans son contenu. Il dure environ 5 min et aligne 12 éléments techniques. Quelques restrictions à noter : depuis 2018, la répartition des sauts doit être équitable entre la première et la deuxième partie du programme[15].

3A ou triple axel : l’un des sauts qui rapporte le plus de points en compétition (8 pts bruts), aussi considéré comme le plus difficile à exécuter. Il consiste en une rotation de 3,5 tours en l’air. Son entrée se fait sur la lame du patin (et non sur sa dent comme pour d’autres sauts), et en avant : l’axel est le seul saut exécuté en entrant par l’avant et non en arrière.

Quad : quad est un diminutif pour l’anglais quadruple jump. Le terme englobe tous les sauts à quatre rotations en l’air (quad toe loop, quad lutz, quad loop, quad salchow, quad flip). A ce jour, l’axel n’a pas de quad, ou 4A (4.5 rotations en l’air), en l’état[16].

Combinaison : un patineur ou une patineuse exécute une combinaison lorsqu’il ou elle enchaîne plusieurs sauts (usuellement deux) à la suite.

Sous-rotation (underrotation) : consiste en le fait d’atterrir comme il se doit après un saut, mais d’échouer à terminer la rotation complète en l’air. L’erreur inverse s’appelle la pré-rotation et consiste à commencer à tourner avant même de sauter.

Kiss and Cry : banc sur lequel l’athlète attend son score après la performance.

– ISU : International Skating Union. La fédération officielle et internationale des sports de glace. La quasi-entièreté des évènements et compétitions de patinage artistique sont gérées par l’ISU, qui a aussi participé à l’organisation des Jeux Olympiques.

– ROC : Russian Olympic Committee. Bannière sous laquelle la fédération sportive russe envoie ses athlètes aux JO de Pékin 2022. Ils sont au nombre de 212 dans 15 disciplines différentes.

– TAS : Tribunal Arbitral du Sport. Institution indépendante basée à Lausanne et chargée de la résolution des litiges sportifs.

– ITA : International Testing Agency. Organisation indépendante chargée des programmes anti-dopage. Sa création remonte à 2018, après l’affaire de dopage d’Etat dans le sport russe (2014-2015) révélée aux Jeux Olympiques de Sotchi.

– AMA : Agence Mondiale Antidopage. Fondation internationale de promotion de la lutte contre le dopage sportif. L’AMA se charge notamment du suivi et du respect du Code mondial antidopage et de la publication des substances interdites dans tous les sports de tous les pays.

– RUSADA : Agence Russe Antidopage, affiliée à l’AMA, supposément ONG.

Sources

https://www.lemonde.fr/sport/video/2022/02/15/jo-2022-malgre-un-test-positif-au-dopage-la-patineuse-kamila-valieva-pourra-concourir_6113733_3242.html

https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/02/11/jo-de-pekin-2022-la-patineuse-prodige-kamila-valieva-controlee-positive-avant-les-jeux_6113219_3242.html

https://www.lequipe.fr/Patinage-artistique/Actualites/La-russe-kamila-valieva-autorisee-par-le-tas-a-concourir-aux-jo-de-pekin/1317283

Replay du programme court féminin des Jeux Olympiques de Pékin 2022 : https://www.eurosport.fr/patinage-artistique/pekin-2022/2022/programme-court_brdeurosport-e100035887c0ch20010/video.shtml

Discussion sur le dopage d’Etat en Russie dans l’émission C à Vous : https://www.youtube.com/watch?v=pLKEbu9soBE

Article “les héros du sport” : la fabrique de l’élite sportive soviétique (1934-1980) https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin-2016-2-page-143.htm

Article “quand l’URSS utilisait le sport pour former “l’esprit soviétique”” : https://www.franceinter.fr/histoire/quand-l-urss-utilisait-le-sport-pour-former-l-esprit-sovietique



[1]Programme court (PC) : 1e partie d’une compétition standard, consistant en une chorégraphie d’environ 2,30min, centrée sur l’aspect technique : chaque athlète doit aligner un total de 8 éléments donnés au préalable.

[2]Programme Libre (PL) : 2e partie de la compétition. Le PL dure environ 5 min et aligne 12 éléments techniques.

[3] La Russie concourt aux Jeux Olympiques sous l’acronyme ROC (Russian Olympic Committee)

[4]Un type d’épreuve mixte, spécifique aux Jeux Olympiques, dont la création remonte à 2014. Des athlètes de disciplines différentes tentent de gagner une médaille pour leur pays par addition de leurs scores personnels.

[5]Quad : de l’anglais quadruple jump, un type de saut à quatre rotations complètes en l’air.

[6]La colère de Trusova a été très commentée par les médias. Nous tenons à souligner plusieurs choses à ce propos. 1) Le manque de discrétion des caméras qui se sont précipitées comme des abeilles sur du miel sur le trio russe. C’est à peine si Shcherbakova (pourtant championne olympique) fut montrée. Les vidéastes ont, semble-t-il, préféré se délecter du spectacle de Valieva en larmes en la suivant comme des ombres, et de la colère de Trusova jugée immature et malvenue. 2) A cela, nous répondons : 1- une athlète de haut niveau à le droit de rêver de l’or et d’être déçue de l’argent. Trusova n’a jamais caché vouloir la première place et considérer que dans son cas, tout le reste est un échec. Elle a aussi le droit d’être frustré de cet échec, et d’avoir un minimum d’intimité pour ce faire, ce que les caméras présentes n’ont pas eu l’air de comprendre. La moindre des choses aurait été de s’éloigner, de se détourner. 2- Il nous parait présomptueux de critiquer la colère de Trusova et son explosion malheureuse en sachant que l’atmosphère dans laquelle les athlètes évoluaient était étouffante et propice à ce genre craquages depuis plusieurs jours.

[7]Le banc où l’athlète reçoit sa notation finale.

[8]L’affaire a atteint son apogée en 2014-2015 et désigne un système de dopage national sur les athlètes russes. Après publication d’un rapport de l’AMA, la Russie est suspendue indéfiniment de toute manifestation sportive internationale.

[9]Eteri expiration date.

[10]On reproche notamment aux patineuses russes de profiter un peu trop des pré-rotations avant les sauts.

[11]On notera mieux un quad raté qu’un triple saut (sauf Axel) réussi, notamment par l’attribution de points bonus pour la prise de risque.

[12]Interview avec E. Medvedeva à Sotchi, 2021: « Before the Olympics, my leg hurt so much that I was actually screaming ».

[13]“Athlete who violates doping cannot compete in the game”

[14]“dirty cheaters, and we are accommodating them”

[15]C’est ce que l’on surnomme la Règle Zagitova : aux JO d’hiver 2018 (Pyeongchang, Corée du Sud), la patineuse russe Alina Zagitova s’empare de l’or en exécutant un programme libre phénoménal. Sa prouesse : l’accumulation des sauts en 2e partie de programme. Le choix était stratégique : étant plus difficile d’effectuer des sauts en fin de programme, ils sont récompensés par des bonus dits GOE (Grade d’Exécution). On a donc reproché à Zagitova d’avoir obtenu son titre olympique par l’accumulation de points bonus. Conséquence : la Règle Zagitova pour une répartition plus équitable des sauts.

[16]Mais cela ne saurait tarder : la tentative de 4A de Hanyu Yuzuru a été ratifiée par le Comité Olympique après son passage en programme libre le 10 février 2022. Bien qu’ayant chuté, Hanyu est parvenu à effectuer le nombre requis de rotations en l’air.

Avec ces résultats, l’URSS s’impose comme pionnier et à présent leader de la performance athlétique, ce qui légitimise en parallèle son système d’administration sportive[1]

[17 Innsbruck 1964 (Autriche) : URSS première sur tous les plans avec 11 or et 25 médailles.

Grenoble 1968 : URSS deuxième avec 5 or et 13 médailles.

Sapporo 1972 (Japon) : première avec 8 or et 16 médailles.

Innsbruck 1976 : première, 13 or et 27 médailles.

Lake Placid 1980 (USA) : première avec 10 or et 22 médailles.

Sarajevo 1984 (Yougoslavie) : deuxième avec 6 or, première médaillée avec 25 médailles.

Calgary, 1988 (Canada) : première avec 11 or et 29 médailles.

Albertville 1992 : malgré la chute du bloc soviétique, l’équipe unifiée de l’ancienne URSS se place deuxième avec 9 or et 23 médailles.

Lillehammer 1994 (Norvège) : victoire russe à l’or avec 11 champions, deuxième en total de médailles avec 23 d’entre elles.

Nagano 1998 (Japon) : troisième avec 9 médailles d’or et 18 médailles en tout.

Salt Lake City 2002 (USA) : cinquième avec 10 or et 17 médailles.

Turin 2006 (Italie) : quatrième avec 8 or et 22 médailles.

Vancouver 2010 (Canada) : onzième avec 3 or et 15 médailles.

Sotchi 2014 (Russie) : première avec 11 or et 30 médailles.


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